Pêche à la Senne

Pêche à la SENNE (Grand Filet) depuis la plage sur la côte ouest du Cotentin

Jusque la fin des années 1960, les pêcheurs de la côte ouest, de Carteret à la baie de Vauville, effectuaient la pêche communément appelée « au grand filet ».

Cette technique de pêche était assez lourde à assumer pour l’équipage d’un doris, embarcation que tous les petits pêcheurs de la côte possédaient sur le rivages de Sciotot, Le Rozel et Surtainville. Ce bateau sans voile ni moteur était utilisé toute l’année pour aller poser les casiers à crabes ou à homards, cordes tramail etc…

Le doris bien stable, d’un tirant d’eau de quelques centimètres, rapide avec de bon rameurs, était le bateau idéal pour la pose et le halage du filet.

La pêche au « Grand filet »

D’une longueur d’environ une centaine de mètres et de 3 mètres de haut, il se composait de deux parties bien distinctes. Au centre, le « sac ou bourse » en coton blanc et de chaque côté une « aile » qui fallait teindre une fois par an en couleur marron en utilisant un produit que le pêcheur nommait « cachou ».

A chaque extrémité de la senne, un bout d’une centaine de mètres reliait le filet au rivage.

Il faut préciser que le filet n’était pas acheté monté. Le pêcheur passait de nombreuses journées et aussi ses soirées d’hiver à fixer les mailles sur les « ralingues », celle du haut avec des flotteurs en liège, celle du bas avec des plombs. En résumé il n’achetait que la nappe de filet, tout le reste , il le fabriquait, même les plombs.

Les dimensions des mailles du filet étaient particulièrement petites. Pourquoi ? Tout simplement le grand filet était utilisé pour la capture de toutes les espèces de poissons qui en fonction des époques de l’année venaient fréquenter les bords de côte du Cotentin. L’orphie pouvait passer si les mailles étaient trop grandes. Le même filet servirait aussi à l’automne à pêcher bars ou mulets.

Cette pêche n’était pas du tout dévastatrice pour autant. Une fois les prises récupérées dans le filet maintenu dans quelques centimètres d’eau il était retourné et tous les petits poissons instinctivement repartaient vers le large donc sans dommage.

Cette pêche pouvait se pratiquer toute l’année mais quand même avec des impératifs :

– Il ne fallait pas trop de brise, sauf si les vents étaient Est-Nord-Est, les plages sont bien abritées par les hautes dunes de ce secteur.

– Avant tout préparatif, voir la propreté de l’estan à marée base quelques heures avant (souvent après une période de mauvais temps), le varech en grand quantité ne permettrait pas le halage du filet.

– Quatre pêcheurs étaient nécessaires pour mener à bien cette pêche, donc réunir l’équipe de deux bateaux. Parfois un enfant d’une dizaine d’année facilitait le travail des adultes. Par marée descendante il était chargé après que le filet soit déposé en mer, de maintenir le doris toujours à l’eau et ne pas le laisser s’échouer.

Départ du doris – Mise à l’eau

Un marin reste sur le sable, voir en bordure de l’eau l’extrémité du bout en main. Il ne bougera pas jusqu’à ce que le bateau revienne s’échouer à une centaine de mètres de lui.

Les trois autres ont embarqué dans le doris, un aux rames, les deux autres vont mettre le filet à l’eau. Le rameur doit être attentif, ses avirons ne doivent pas faire de bruit et par une nuit sans lune, la visibilité ne sera que de quelques mètres. Il doit faire très attention de bien aligner le filet parallèle au rivage à une centaine de mètres du bord. La totalité de la senne mise à l’eau, il fait cap à terre toujours dans un grand silence. Le matelot, le plus à l’arrière du doris à en main le bout. Il doit être très attentif aux vagues et ne pas laisser le doris partir en travers au risque d’un chavirage.

Le halage de la senne depuis la plage va pouvoir commencer, deux de chaque côté vont durant une vingtaine de minutes, tirer de toute leur force pour déjà ramener à eux les 100 mètres de bout. L’aile du filet de chaque côté va former un arrondi. Il faut encore faire attention aux derniers mètres du filet, certains poissons comme le bar ou mulet vont par bonds parvenir à s’échapper et passer au-dessus de la ralingue de flottaison. En quelques instants, lampe électrique en main, un des marins localise le poisson qui promptement sera mis dans un panier.

Souvent par fatigue la pêche s’arrête. Le travail n’est pas terminé pour autant, après un repos de quelques heures, la suite des activités va être partagée entre tous. Deux pêcheurs vont être chargés de faire sécher le matériel mais aussi s’affairer au ramendage, très souvent des mailles ont cassé. Les autres en fonction de la disponibilité d’épouses, recevrons leur aide pour vendre le poisson dans le village. Si la pêche a été abondante, il faut songer à aller en proposer chez un mareyeur.

Témoignage et verbatim de M René Caillot.

Ci-dessous deux croquis pour illustrer le texte.

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